Buenos Aires fête l’Indépendance


25-28/5.
Dès notre arrivée nocturne, derrière les vitres du taxi qui nous amène de l’aéroport au Microcentro, nous tombons immédiatement sous le charme de celle qu’on appelle le « petit Paris d’Amérique du Sud ». On est tout de suite conquis par les architectures française et italienne début XXe siècle des bâtiments dont les façades sont largement éclairées sur les longues avenues que nous empruntons. Ces dernières ne sont pas seulement longues, elles sont aussi exceptionnellement larges, dont la palme revient à l’Avenida 9 de Julio, la plus large du monde avec 140 m et 16 voies de circulation !! C’est justement à 2 pas de cette gigantissime avenue, au croisement de l’Avenida de Mayo, que nous dépose notre chauffeur.

Pour les backpackers, l’hostel Portal del Sur est idéalement situé pour explorer la ville, à quelques mètres du métro, des stations de bus et de la principale place, la Plaza de Mayo. L’auberge est installée dans un bâtiment ancien dont les chambres entourent la cour centrale ouverte et lieu commun pour les voyageurs de tous les horizons. Sur le toit terrasse, il y a le bar qui offre une sympathique vue (surtout la nuit) sur les toits du quartier.

Le dimanche, lorsqu’on entreprend de visiter le Microcentro, on s’étonne de voir les rues totalement vides ! Mais plus on s’approche de la Plaza de Mayo, plus on rencontre de gens équipés de banderoles, de drapeaux ou d’instruments de musique. C’est à ce moment qu’on se rappelle une conversation avec 2 canadiennes rencontrées dans la navette allant à l’aéroport de Puerto Iguazu qui nous avaient parlé de la proclamation de l’Indépendance de l’Argentine vis-à-vis de l’Espagne, le 25 mai 1810. L’ambiance était donc à la fête et on ne pouvait que se réjouir de vivre ce moment au milieu des Porteños mais aussi des habitants d’autres régions à en croire le nombre impressionnant de bus qui ont transformé l’Avenida 9 de Julio en gare routière géante !

Sur la Plaza de Mayo, les drapeaux flottent de toute part devant un écran géant qui retransmet la messe de la Catedral Metropolitana à laquelle assiste la présidente de la Nation, Cristina Kirchner. On reste un long moment parmi la foule pour s’imprégner de ce jour de fête. La Casa Rosada qui abrite les bureaux de la “Presidenta“ est à peine visible, cachée derrière une scène destinée à accueillir les concerts prévus en soirée.
Au milieu de la place, on distingue entre deux banderoles, l’obélisque commémoratif du premier anniversaire de l’indépendance, la Pirámide de Mayo.




En prenant par Defensa, l’une des rues perpendiculaires à la place, on rejoint le quartier de San Telmo, célèbre pour ses échoppes d’antiquaires, ses rues pavées et ses maisons basses coloniales qui lui confèrent un charme d’antan. En ce jour particulier, l’étroite et longue rue s’est transformée en marché et il faut se frayer un chemin parmi la foule. Aux coins des avenues ou devant les parvis des églises du quartier se produisent des musiciens ambulants qui font se déhancher les passants attentifs.








On adore immédiatement ce barrio (quartier) et on traîne dans les ruelles, au Mercado ou dans les boutiques des brocanteurs où j’aurai aimé acquérir l’un des magnifiques gramophones, hors de prix et pas évident à ranger dans le sac à dos !! On continue de déambuler jusqu’à la Plaza Dorrego en passant par l’Iglesia Nuestra Señora de Belén tout en prenant soin de goûter la pizza, grande spécialité de la ville dont la mozzarella fond sur la langue.






Certaines maisons coloniales ont été reconverties en galerie marchande nous donnant un aperçu de leur magnifique cour intérieure. L’une d’elles a d’ailleurs été totalement rénovée pour devenir une sorte de “musée“, El Zanjón de Granados. Durant la visite d’1h, un guide (rien que pour nous) nous racontera dans un anglais parfait l’histoire de cette demeure qui passa de maison de maître à un foyer d’immigrés avant d’être laissée totalement à l’abandon. Lorsqu’elle fut rachetée, en ruines, pour en faire un restaurant, on y trouva dans ses fondations un réseau de tunnels, d’égouts et de puits remontant à 1730. Aujourd’hui, elle raconte l’histoire du quartier de San Telmo et comporte une salle d’expositions ainsi qu’un espace pour les banquets. A la fin de la visite, on rencontre son heureux propriétaire, un homme passionné et passionnant qui nous explique que la vie est faite de rêves et que cette maison en était un qu’il a réussi à réaliser !




Le soir venu, on ira voir une institution de Buenos Aires, le Café Tortoni, où nous assistons à un spectacle de tango dans la minuscule salle Alfonsina. Notre table est déjà à peine assez grande pour nos 2 assiettes et notre bouteille de vin (Malbec bien sûr) mais nous la partageons avec un couple très sympathique de Brésiliens de Brasilia avec qui nous parlons de……… voyage évidemment et notamment de l’Uruguay, notre prochaine destination pour le WE !! A part les compils de Gotan Project, nous n’avons jamais été de grands fans et connaisseurs de tango mais là, on a particulièrement apprécié le show et l’ambiance conviviale même si ce café, le plus célèbre de la capitale, est essentiellement fréquenté par des touristes !






Le jour suivant, on continue notre découverte des barrios de la capitale dont Puerto Madero où les quais avec ses anciens entrepôts en brique ont été convertis en loft, bureaux, boutiques et restaurants branchés. De l’autre côté du bassin font face des immeubles (trop) modernes qui tranchent violemment avec les quartiers historiques du Centro et de San Nicolás d’où l’on vient.







Mais en longeant les bassins on arrive au Retiro, un des quartiers les plus chics de Buenos Aires. En remontant à partir de la grisâtre gare ferroviaire (Estación) datant de 1915, on traverse le parc où se dresse la Torre de los Ingleses achevée un an plus tard, construites toutes les deux par les Britanniques et témoins de leur domination des réseaux ferrés.





Plus loin, la verdoyante Plaza San Martin domine du haut de sa colline avec son parc dessiné par un architecte français, Charles Thays. Autour, on reste le nez en l’air devant l’Edificio Kavanagh qui en 1935 était le bâtiment le plus haut d’Amérique du Sud (120 m).







On revient vers La City et le quartier des institutions en passant devant l’imposant Palacio de Correos y Telecomunicaciones (1928), les colonnes de la Banco de la Nacion (1935) et la Casa Rosada dont l’édifice actuel fut inauguré en 1898 bien que l’histoire du site remonte à 1594 lorsqu’il était la forteresse royale de Buenos Aires défendant la ville du haut des berges du Río de la Plata. Quant à la couleur qui nous rappelle la veille ville de Jaipur, il existe plusieurs théories : tentative du président Sarmiento (1868-1874) de réunir le “rouge“ des Fédéralistes et le “blanc“ des Unitaristes. On apprend aussi que la couleur pourrait tout simplement provenir de la peinture utilisée au XIXe siècle, faite à partir de sang de bœuf !



Par rapport au rassemblement de la veille, la Plaza de Mayo semble désespérément vide, dominée par la tour carrée aux 4 horloges du Palacio de la Legislatura de la Ciudad de Buenos Aires (1931). Au moins, on profite d’une vue dégagée sur ses monuments comme le Cabildo, hôtel de ville au XVIIIe siècle et reconverti depuis en musée. On accède enfin à la très baroque Catedral Metropolitana (1791) dont l’imposant portique néoclassique est inspiré du Palais Bourbon. La construction assez chaotique a nécessité près de 100 ans pour enfin s’achever en 1791 après quelques effondrements et autres négligences !! A l’intérieur, on démonte les tapis rouges déroulés pour la cérémonie de la veille et on s’émerveille de la richesse du style colonial espagnol avec ses ornements, ses peintures, ses voûtes et sa coupole. Dans le vaisseau droit, les Porteños se recueillent sur la tombe du général José de San Martin, grand héros de la Nation, veillé par des soldats en armes et dont la mémoire est commémorée également à l’extérieur par une flamme éternelle qui brûle sur la droite du parvis.






Après cette marche citadine et culturelle mais exténuante, on est mort de faim ! Normalement vers 19h, les Argentins prennent le café accompagné de quelques pâtisseries mais nos petits ventres vides ont envie de quelque chose de beaucoup plus lourd……… comme une pizza débordant de mozzarella !! Et puisqu’on a passé la journée à visiter des institutions de Buenos Aires, autant en voir une dernière : la Pizzeria Güerrín, fondée en 1932 par un immigré italien Franco Malvezzi. Rien qu’à voir notre pizza, moitié mozza-olives-poivrons-jambon et moitié Provolone-champignons, on en salive déjà et on se précipite pour rattraper le fromage qui s’enfuit sur la table !! Malgré le niveau sonore, l’ambiance est unique, le service rapide et les prix ridiculement bas pour le plaisir procuré par la mozza qui fond sur la langue. On recommande la Especial Güerrín qu’on reprendra 2 jours plus tard quand on y retournera, poussé par nos ventres réclamant à nouveau cette cuisine excellente !!




Les 2 journées suivantes, on continue notre exploration de la capitale argentine avec le quartier de Recoleta, “LE“ quartier le plus chic de la capitale dont les avenues sont bordées de demeures anciennes et d’hôtels particuliers. On y va surtout pour son Cementario qui contient les caveaux où reposent les dépouilles de l’élite de la ville, le plus connu étant la tombe d’Evita. On se surprend à déambuler pendant près d’une heure dans les allées de ce cimetière hors du commun, au milieu des statues et des impressionnants tombeaux en marbre ou en pierre, tous dotés d’une architecture très travaillée. Le lieu se prête particulièrement à quelques clichés en N&B.







Juste à côté, on visite la petite église baroque Nuestra Señora del Pilar (1732) qui outre d’offrir un bon point de vue sur le cimetière, abrite un modeste musée mais qui sera suffisant pour qu’on arrive à la constatation suivante : y’en a marre de l’art religieux !! On en aura définitivement la confirmation quelques minutes plus tard au Museo Nacional de Bellas Artes situé en contrebas, où nous zapperons totalement le département qui y est consacré. Mais le plus beau musée d’art du pays renferme d’autres œuvres, notamment de Rembrandt, Renoir, Cézanne, Rodin, Chagall, Gauguin… Nous découvrons également une large collection d’œuvres d’artistes argentins et sud-américains comme Sívori ou Cárcova.

On apprécie particulièrement l’exposition temporaire du 3ème étage consacré à un dessinateur argentin, Miguel Rep, qui caricature avec humour et brio les plus grands maîtres lors de la réalisation de leurs créations les plus mondialement connues, de Modigliani à Klimt en passant par Toulouse-Lautrec et De Vinci.









Le soir, on reste dans le culturel en assistant à un concert dans l’une des plus somptueuses salles au monde, le Teatro Colón (1908). Il fut le plus grand théâtre de l’hémisphère Sud jusqu’en 1973, date de la construction d’un autre monument qu’on a déjà admiré sur notre route, l’Opéra de Sydney ! On a eu la chance d’obtenir des billets grâce à Cecilia, l’Argentine avec laquelle on a partagé un taxi à l’aéroport d’Udaipur 4 mois auparavant. Ainsi on a pu écouter le groupe de percussions Li Biao mené par un Chinois (originaire de Nanjing…), secondé par 4 Allemands et 1 Argentin. Totalement novices en la matière, nous avons eu un peu de mal au début mais après le 2ème morceaux, on commence à apprécier cette symphonie assez particulière et les musiciens font le show en transformant le parquet de la scène en instrument de percussion. Et il y a la magie de cette salle mythique qui nous envahit et même si ce n’est pas Aïda de Verdi, on a l’impression de vivre un moment “privilégié“ assis au premier balcon sur nos confortables sièges de velours rouge.




Le lendemain, on reprend la gigantesque Avenida 9 de Julio, passant devant les 67 m de l’Obelisco pour revenir au théâtre et apprécier de jour le mélange de styles italiens et français de son architecture. On retrouve la même inspiration sur les autres bâtiments de la Plaza Lavalle et l’on peut admirer en face le Palacio de Justicia (1904) et l’Escuela Presidente Roca (1902) juste à côté.







Dans le même quartier de Congreso, on continue à flâner quelques blocs plus loin, toujours le nez en l’air à observer les buildings les plus remarquables comme le Palacio Barolo (1923). Enfin on se retrouve au pied du Palacio del Congreso (1906) qui s’inspire du Capitole de Washington. Devant, sur la plaza du même nom, on s’attarde devant les jets d’eau du Monumento a los Dos Congresos qui commémore les congrès de Buenos Aires et de Tucuman qui aboutirent à l’indépendance de l’Argentine……… la boucle est bouclée !!!




Si vous êtes arrivés à lire l’article jusque là, félicitations car j’avoue que ce post ressemble davantage à un inventaire du patrimoine historique de Buenos Aires. Mais vous avez compris que cette ville possède une architecture du début du XXe siècle très prolifique !! C’est tout ce qu’on adore et qui donne un cachet incroyable à ce « petit Paris d’Amérique du Sud », avec un soupçon d’exotisme en plus. Ajoutez à cela, une gastronomie succulente et variée, des vins gouleyants à prix (encore) abordables et des “horaires de vie“ tardifs à l’espagnol où l’on peut dîner au restaurant vers 23h ou minuit sans que le serveur vous balance le plat, le café et l’addition dans la foulée !! Tout n’est pas rose évidemment et le pays grogne de l’inflation galopante (près de 25% !!!) qu’on a pu vérifier entre les tarifs indiqués dans notre version numérique d’août 2012 du Lonely et ceux qu’on a finalement payés ! Elle reste cependant une très belle capitale à voir et qu’on a eu la chance de découvrir lors d’un long WE de fête nationale et populaire.


L’Argentine, ça commence très bien…

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